Les chroniques de la Grenouillière et pas loin! Chapitre 2

Chapitre 2




Adalbert, à l'arrivée des pluies de printemps, se préparait à récupérer la précieuse argile qui lui permettrait de fabriquer une nouvelle série de pots pour le marché de Grand Cave. En effet , le passage de clients éventuels étant assez aléatoire, il passait parfois de longues périodes sans vendre un seul bol et s'était décidé à aller à la ville pour écouler sa production. Ce matin là, Adalbert creusait donc les bords de l'étang et remplissait des seaux de vase argileuse. Les grenouilles coassaient gaiement autour de lui et les oisillions piailliaient au fond des nids. Soudain, il entendit un cri de terreur plus loin dans la tourbière. N'écoutant que son courage, il saisit sa pelle à deux mains, la brandit par dessus lui et pataugea en direction des cris aigus qui redoublaient. Au beau milieu des joncs, Adalbert découvrit une hobbite enlisée jusqu'au bassin dans un trou de boue mouvante. Les cheveux en bataille et le visage plein de larmes, la demoiselle se débattait et de ce fait aggravait sa triste situation, chacun de ses mouvements l'enfonçant d'avantage. Adalbert, sous l'effet de surprise, regardait le spectacle sans bouger. « Vous allez m'aider ou quoi? »hurla t-elle vivement, ce qui tira immédiatemment le potier de sa rêverie. « Pardon pardon, je suis si surpris de vous trouvez là.... ». Adalbert attrapa la demoiselle par les bras et tira de toutes ses forces jusqu'à ce qu'ils s'écroulent tous les deux dans les joncs secs. Sous la crasse, apparut un joli sourire plein de dents blanches qui fit immédiatemment rougir mon aieül. « Merci beaucoup Monsieur! Sans vous, je serais déjà ensevelie dans ce trou boueux et nauséabond. » dit elle tout en regardant affligée le désastre de ses jupons.

« Pas de quoi Mademoiselle, j'ai bien failli vous laisser embourbée si vous ne m'aviez pas crié dessus héhé! » renchérit Adalbert déjà sous le charme.

« Je m'appelle Miosotys et je m'en allais trouver du travail à Grand Cave. J'ai voulu traverser le marais et je suis tombée dans ce trou. J'ai bien cru mourir! » expliqua t-elle.

« Enchanté, moi je suis Adalbert Fondubayou, potier de mon état...Vous ne pouvez poursuivre votre voyage dans cet état...Je vous invite pour la nuit, juste le temps de laver vos habits et de vous remettre de votre frayeur. Je dormirai dans la grange et vous laisserai mon lit. » Adalbert n'attendit pas l'aquiescement de la jeune fille car il était bien décidé à la garder encore un peu près de lui. Il lui donna le bras et sans qu'elle résiste le moins du monde, ramena la jeune fille dans sa chaumine. Miosotys, emmaillotée dans une couverture, s'endormit devant la cheminée pendant qu'Adalbert nettoyait ses vêtements. Elle- même s'était auparavant décrassée et Adalbert n'avait pu soutenir le beau regard bleu et le visage si parfait de la belle. Il prépara une bonne soupe revigorante et une grosse miche de pain frais. Ensuite, il s'assit devant Miosotys et attendit qu'elle se réveille. Son coeur battait à tout rompre et comme elle ouvrait les yeux, il se sentit idiot qu'elle le découvre ainsi assis à l'observer.

« J'ai faim! » dit-elle. La soirée était douce et ils mangèrent le repas simple sur la table du jardin bercés par le chant des grenouilles. « Vous vivez dans un bien bel endroit Adalbert. C'est le genre de coin où j'aimerais m'installer plus tard quand j'aurai mis de l'argent de côté. »soupira t-elle en regardant le jardin fleuri et la maison. Adalbert se taisait de peur d'interrompre ce moment magique et précieux. Ils débarrassèrent la table en silence et s'installèrent devant le feu car le temps s'était rafraichit d'un coup. Miosotys posait des questions et Adalbert répondait. Il raconta sa vie, elle souriait et ajoutait ses propres anecdotes. Ils avaient des tas de points communs. Il parla aussi de son métier, de sa solitude et de son souhait de trouver des amis qui s'installeraient pas loin.

La nuit était bien avancée quand ils se séparèrent enfin pour dormir quelques heures. Adalbert s'en alla dans la grange mais le sommeil le fuyait et tous les bruits, habituellement apaisants, résonnaient à ses oreilles. Il sortit finalement dans l'aube naissante et se mit à modeler des assiettes. Il voulait remplir le temps et occuper son esprit afin de reculer le moment où Miosotys reprendrait la route. Enfin, à bout de forces, Adalbert s'endormit sur son tour de potier, les mains pleines d'argile et le coeur lourd.

Au petit matin, Miosotys le trouva ainsi la tête posée sur un pot à moitié écrasé. Ses jupes avaient séché et elle était prête à repartir. « Adalbert, il faut que je parte... » mumura t-elle à son oreille. Il sursauta et, encore dans les brumes du sommeil, se mit à genoux devant la demoiselle et balbutia d'une voix tremblante: « Restez je vous en prie...quelques heures encore...je...je j'ai besoin de vous! »

« Oh Adalbert, je ne peux pas non....quelques heures à quoi bon?.. ». Adalbert s'était assis à même le sol comme si une massue venait de s'abattre sur sa tête.

Miosotys s'abaissa à sa hauteur et lui attrapa le menton:« Pas quelques heures...non....Je veux rester pour toujours! » Son visage était lumineux et Adalbert la pris dans ses bras.

Miosotys ne repartit donc plus jamais de Lagrenouillière...Sauf pour aller vendre les poteries de son mari.